La pédagogie par laquelle la Cour de cassation, via la motivation de certains arrêts, rend accessible l’application de règles de droit, souvent compliquées, est inversement proportionnelle à la rudesse du parcours procédurale, ayant motivé sa saisine, auquel sont confrontées les victimes de dommages corporels.
L’arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (n°19-24.227) illustre bien ce paradoxe.
Les faits étaient pourtant assez simples, en 2010, à l’occasion d’un arthroscanner réalisé dans les locaux d’une société d’imagerie, à la demande d’une clinique, un patient développe une infection nosocomiale.
Sollicitant l’indemnisation de son préjudice, ce dernier assigne le praticien ayant prescrit l’acte d’imagerie, la clinique dont le service de scanner dépendait de la société d’imagerie et enfin ladite société.
Pour rappel, selon l’article L 1142-1 I du code de la santé publique, les praticiens sont responsables d’une infection nosocomiale (d’une gravité réservée) en cas de faute, alors que les établissements de santé diligentant des actes de prévention, de diagnostic ou de soins le sont de plein droit.
Après une première cassation, la Cour d’appel d’Aix en Provence entre en voie de condamnation à l’encontre de la seule société d’imagerie, estimant d’une part que cette exerçant à tout le moins une activité de soins, devait être qualifiée d’établissement de santé au sens du code de la santé publique.
D’autre part, la Cour d’appel refuse le recours en garantie de cette société contre la clinique, malgré un contrat conclu entre les deux entités pour que le service de scanner de la clinique dépende de celle-ci, aux motifs qu’elle exerçait son activité en toute indépendance.
La société forme un pourvoi en cassation couronné de succès.
Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle, sur le fondement de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique la distinction entre la responsabilité de plein droit d’un établissement de soins en cas d’infection nosocomiale et la responsabilité pour faute d’un praticien.
Elle rappelle que cette différence découle, notamment, de l’obligation mise à la seule charge des établissements de santé, en vertu des articles L 6111-2 et suivants du CSP de mettre en œuvre une politique « d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’organiser la lutte contre les évènements indésirables, les infections associées aux soins et à l’iatrogénie ».
Or cette obligation, ne pesant pas sur les sociétés permettant la fourniture de moyens ou l’exercice en commun de profession, comme notamment une SARL dont l’objet social est l’achat, la vente et la location de tout matériel d’imagerie et de radiothérapie, la Cour précise que la société d’imagerie ne pouvait être qualifiée d’établissement de santé et partant casse l’arrêt d’appel.
Mais, la Cour précise également, que bien que la société, contractuellement tenue avec la clinique, exerce son activité en toute indépendance, s’il est constaté que cette dernière est tenue par un planning de garde et d’astreinte établie sous le seul contrôle de la clinique, elle devient le service de scanner de cette dernière, donc une de ses dépendances.
De fait, devenant une émanation de la clinique, seule responsable de plein droit d’une infection nosocomiale, elle aurait dû être accueillie dans son recours.
Dès lors l’arrêt est doublement cassé et les parties renvoyées devant la Cour d’appel de Lyon.
11 ans après son infection, après une double saisine de la Cour de cassation et une triple saisine d’une Cour d’appel, le patient ne dispose toujours pas d’une décision définitive.
L’application stricte des règles de droit n’a pas le même impact en fonction de la qualité de régleur, pour lequel une décision reste mélangée à d’autres, que pour une victime pour laquelle sa décision est unique.
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