Certains arrêts rendus par la Cour de cassation sont une illustration, assez navrante, de la rudesse des parcours procéduraux auxquels sont confrontées les victimes de préjudices corporels.
Il devient nécessaire d’intégrer que ces procédures s’ajoutent souvent à des parcours médicaux déjà sombres, ce qui finalement conduit à un sincère état d’épuisement de ces dernières, peu glorieux pour l’image des régleurs.
Le principe de la réparation intégrale doit, certes, conduire à une remise en état sans profit, mais également sans perte et nier certaines évidences factuelles comme juridiques ne participe pas d’une hauteur de débat.
Dans les faits, un homme subi une coronographie en 2012, laquelle entrainera la dispersion accidentelle de plusieurs corps étrangers métalliques au niveau des artères humérales et sous-clavières droites.
Cet homme se retrouvant avec plusieurs corps étrangers métalliques au niveau artériel, intente une action en responsabilité, contre le praticien et obtient gain de cause.
La responsabilité du praticien engagée la question de l’indemnisation des préjudices corporels consécutifs à cette coronographie s’élève.
Le patient, auquel un déficit fonctionnel a bien été reconnu, expose souffrir d’une angoisse permanente liée à sa crainte de voir son état de santé s’aggraver en raison de la présence de fragment dans son corps.
Cette angoisse est retenue par l’expert.
La Cour d’appel admet cette argumentation et lui accorde une somme de 20.000,00 € en réparation d’un préjudice permanent exceptionnel.
La juridiction avait surtout pris soin de préciser :
« Si une demande d’indemnisation peut être formulée au titre du préjudice exceptionnel, il importe que le demandeur justifie d’un trouble distinct de celui indemnisé au titre des autres postes, notamment au titre des souffrances endurées, lesquelles ont vocation à prendre en compte l’ensemble des douleurs psychiques éprouvées, ou du déficit fonctionnel permanent lequel indemnise la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel et intellectuel. »
Foudre de l’assureur qui forma un pourvoi estimant qu’il s’agissait d’une double indemnisation du déficit fonctionnel permanent, dès lors que ce préjudice d’angoisse en constituait une composante soit des souffrances endurées permanentes.
Le rejet du pourvoi est assez sec :
« Réponse de la Cour
Dès lors que le préjudice dont elle a constaté l’existence et qu’elle a entendu indemniser au titre du préjudice permanent exceptionnel ne l’avait pas été au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d’appel n’a pas méconnu le principe d’une réparation intégrale. ».
(Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 20 octobre 2021, n° 19-23.229)
Le rejet du pourvoi n’était pas une surprise, pour différentes raisons.
Tout d’abord, la Cour d’appel avait pris soin dans sa motivation d’expliquer en quoi le préjudice d’angoisse était, au cas d’espèce, un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent. La Cour de cassation ne pouvait remettre en question ce pouvoir souverain.
Aussi, le poste de préjudice exceptionnel permanent est un poste classique, prévu par la nomenclature Dintilhac. Les juges en sont donc habituellement saisis.
Enfin et surtout, consacré par la Cour de cassation pour indemniser la situation d’incertitude permanente de développement d’une maladie à laquelle été confrontés les salariés ayant été exposé à l’amiante (Cass. Soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241), ce poste de préjudice a rapidement embrassé d’autres situation d’incertitudes notamment celle liées à la prescription de Distilbène (Cass Civ 2 ; 02.07.2015 n°14-19481) et peut être indemnisé indépendamment du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées ( Cass.Civ1 ; 5.06.2019 n°18-16.236).
Manifestement, l’assureur, qui ne pouvait l’ignorer, ne cherchait pas a déplorer une erreur de la Cour d’appel mais bien, indirectement, à supprimer l’existence même du poste de préjudice d’angoisse par un biais détourné.
Cette approche minimaliste du préjudice corporel n’apparait pas constructive. Tout ne doit pas être indemnisé mais ce qui est incontestable ne doit pas être ignoré. Au cas d’espèce la procédure aura durée plus de 5 ans pour un résultat dont il était difficile de douter.
Cela pousse la réflexion sur les demandes de dommages et intérêts pour résistances abusives ainsi apprécié « le caractère brutal et le comportement judiciaire dilatoire suffisent à établir la cause du préjudice. » (Cour d’appel de Montpellier, 5ème Chambre Civile, 22 mai 2020, n° 17/01891)
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